Neoglyphea neocaledonica, Forges, 2006

Forges, Bertrand Richer De, 2006, Découverte en mer du Corail d’une deuxième espèce de glyphéide (Crustacea, Decapoda, Glypheoidea), Zoosystema 28 (1), pp. 17-29 : 20-28

publication ID

https://doi.org/ 10.5281/zenodo.5402080

persistent identifier

https://treatment.plazi.org/id/C47EAE41-FFC1-FFCE-FF0E-815EBD74FA30

treatment provided by

Marcus

scientific name

Neoglyphea neocaledonica
status

sp. nov.

Neoglyphea neocaledonica View in CoL n. sp.

( Figs 2-8 View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG )

MATÉRIEL TYPE. — Nouvelle-Calédonie. Banc Capel (sud du plateau de Chesterfield, mer du Corail), campagne EBISCO, stn CP 2498, 24°45,70’S, 159°42,13’E, 367-536 m, 6.X.2005, holotype ♀, céphalothorax 26,6 × 9 mm (MNHN-Pa 1805).

ÉTYMOLOGIE. — Basée sur la provenance géographique de l’holotype.

DISTRIBUTION. — Localité type uniquement jusqu’à présent.

DESCRIPTION

Céphalothorax ( Figs 2A, B View FIG ; 3 View FIG ; 4 View FIG )

Céphalothorax long, divisé en deux parties séparées par un profond sillon cervical (c). Partie antérieure présentant, sur sa face dorsale, six carènes longitudinales très marquées, lisses et de section arrondie; les deux médianes fusionnées vers la moitié de leur longueur et s’étendant, unifiées, jusqu’à l’extrémité du rostre; les autres se recourbant dans leur partie distale et s’étendant parallèlement au bord antérieur du céphalothorax tout en s’affaiblissant; rostre triangulaire simple et légèrement sinueux faces latérales de la partie antérieure du céphalothorax portant chacune, à mi-hauteur, une ligne irrégulière de neuf grosses dents acérées et recourbées vers l’avant, avec au-dessous plusieurs petites dents irrégulièrement disposées; bord inférieur de la partie antérieure du céphalothorax présentant une quinzaine de denticules serrés les uns contre les autres en position médiane, puis à sa jonction avec le bord antérieur trois denticules. Au-dessus de ce bord inférieur un sillon antennaire (a) peu distinct dans sa partie antérieure puis se creusant dans sa partie postérieure, bordée par plusieurs granules; partie postérieure du céphalothorax présentant un sillon branchiocardiaque (b.c.) prolongé vers l’avant par les deux fourches d’un sillon hépatique (h1, h2) et surmonté par un sillon post-cervical (p.c.); un sillon inférieur (i) part de la branche inférieure du sillon hépatique; partie postérieure du céphalothorax lisse et criblée de petits trous plus petits et plus serrés dans sa partie inférieure.

Épistome ( Fig. 5 View FIG )

Épistome de grande taille, couvert de granules espacés et plus ou moins spiniformes.

Yeux ( Figs 2C, D View FIG ; 3-5 View FIG View FIG View FIG )

Yeux énormes et aplatis dorsoventralement, très renflés et réniformes avec une cornée panoramique beaucoup plus développée sur la face ventrale que sur la face dorsale.

Antennes ( Figs 3-5 View FIG View FIG View FIG )

Premier article court et large, portant la glande antennaire formant une proéminence terminée par un orifice circulaire; deuxième et troisième articles forts, fusionnés en biseau; deuxième article présentant deux carènes dorsales longitudinales; quatrième article long, dépassant les pédoncules oculaires, recourbé vers la face dorsale, portant des épines fortes et acérées dirigées vers l’avant dans sa partie distale: cinq épines au bord interne et cinq ou six épines au bord externe; cinquième article court et non épineux, portant de longues soies; fouet antennaire annelé, trois fois plus long que le pédoncule antennaire, avec de longues soies insérées entre les articles.

Scaphocérite très long et pointu, légèrement recourbé vers l’intérieur, bord inférieur armé de 10 fortes épines, plus une ou deux petites. Sur le vivant, ce véritable poignard pointe extérieurement, protégeant ainsi le globe oculaire ( Figs 2C, D View FIG ; 3 View FIG ).

Antennules ( Fig. 5 View FIG )

Premier article renflé; deuxième et troisième articles cylindriques et grêles. Longueur des trois articles dans les proportions 1:0,45:1,20 du premier au troisième. Au bord distal du troisième article s’insèrent deux flagelles annelés de même longueur, dont l’interne est plus fin que l’externe. Longueur de ces flagelles égale à 1,3 fois celle du pédoncule antennulaire.

Appendices buccaux ( Figs 5 View FIG ; 6D View FIG )

L’unique spécimen ayant été conservé dans de l’éthanol à 95° est devenu rigide. Ceci nous a conduit, afin de ne pas l’endommager, à renoncer à l’examen des appendices buccaux autres que les deuxièmes et troisièmes maxillipèdes. Ces derniers ( Fig. 6D View FIG ), très longs, minces, recourbés et préhensiles, avec tous les articles bordés de très longues soies sur leur bord interne. Ischion ayant les bords supérieur et inférieur de sa face interne bordés de nombreuses épines; mérus portant cinq épines sur son bord interne et le carpe deux; propode long et s’affinant distalement; dactyle grêle ayant une longueur égale à 0,7 fois celle du propode.

Les deuxièmes maxillipèdes ( Fig. 5 View FIG ) sont courts et lisses. Coxa étroite; basis court et portant deux épines du côté interne fusionné avec un ischium court et inerme; mérus long et courbe; carpe court et trapu de même que le propode; dactyle légèrement plus court que le propode, arrondi à son extrémité.

Premiers péréiopodes ( Figs 2A, B View FIG ; 6 View FIG A-C)

Mérus 13,7 mm, carpe 6,2 mm, propode 10,0 mm, dactyle 7,4 mm. Péréiopodes de même taille, forts, modifiés en pseudo-pinces. Dactyle long, fin et pointu, légèrement courbe, se repliant sur le propode avec lequel il forme une pseudo-pince. Propode large et trapu; bord inférieur souligné de fortes épines, dont la septième particulièrement développée, faisant pince en ciseaux avec le dactyle ( Fig. 6B, C View FIG ). Carpe court, mérus presque de même taille que le propode, ischion très court; bord inférieur du carpe, du mérus et de l’ischion épineux, les épines étant de tailles diverses; face interne du carpe épineuse, celle du mérus et de l’ischion lisse.

Pattes ambulatoires (P2-P5) ( Fig. 2A, B View FIG )

P2 plus courtes que P1, dépassant les yeux de la longueur de leur dactyle, P3 dépassant les yeux du cinquième de leur dactyle, P4 atteignant le tiers de la cornée, P5 de beaucoup les plus courtes, dépassant de leur dactyle la base du sillon cervical.

P2 avec une coxa présentant une forte épine distale à son bord inférieur, mérus long avec le bord inférieur portant une rangée de très longues soies et le bord supérieur lisse, carpe court et s’élargissant distalement avec de longues soies au bord inférieur, propode court et légèrement courbe; dactyle court, en griffe.

P3 aussi longues que P2; mérus lisse des deux côtés, avec de courtes soies au bord inférieur, carpe long et s’élargissant distalement, propode court et inerme, avec des soies du côté interne, dactyle long et courbe, comme pour P2.

P4 plus grêles que P2 et P3, tous les articles lisses avec seulement quelques soies au bord inférieur des articles.

P5 encore plus grêles que P4, plus courtes. Soies seulement sur le bord distal interne du propode.

Abdomen ( Figs 2A, B View FIG ; 7A View FIG )

Six segments: premier segment étroit dont la partie antérieure s’insère sous le céphalothorax; les cinq autres plus larges et de tailles voisines à l’exception du sixième qui est un peu plus long. Partie supérieure des segments lisse. Bords latéraux (pleurons) des segments séparés de la zone dorsale par un sillon longitudinal surtout marqué chez les trois premiers � ( Fig. 7A View FIG ) et présentant des bosselures irrégulières séparées par des dépressions moins marquées sur les derniers segments que sur les premiers ( Fig. 7A View FIG ).

Telson ( Fig. 7B View FIG ) portant de longues soies à son bord postérieur et, sur sa face supérieure, des touffes de soies dirigées postérieurement; les uropodes sont larges, à bords arrondis, bordés de longues soies.

Pléopodes ( Fig. 8 View FIG )

Premiers pléopodes longs, minces et uniramés, la trace de la suture de l’endopodite avec l’exopodite demeurant bien visible, de même que les vestiges des articles ayant formés l’endopodite et l’exopodite. Les autres pléopodes sont biramés et lamelliformes avec, sur l’endopodite, un appendice interne petit et subcylindrique.

COMPARAISON DE NEOGLYPHEA NEOCALEDONICA N. SP. ET N. INOPINATA

La silhouette de Neoglyphea neocaledonica n. sp. est caractéristique d’un glyphéide avec un céphalothorax long, de gros yeux proéminents, un abdomen réduit et des P1 préhensiles et énormes par rapport aux autres pattes. Par tous ces aspects, N. neocaledonica n. sp. rappelle N. inopinata ( Fig. 1 View FIG ). Toutefois cette nouvelle espèce s’en distingue facilement par de nombreux caractères, dont nous ne citerons ici que les principaux:

1) la forme générale de l’animal: elle est proportionnellement plus courte et trapue, ceci se marquant tout particulièrement au niveau du céphalothorax et des premiers péréiopodes;

2) l’ornementation de la carapace: cette dernière, chez N. inopinata , est entièrement recouverte de petits tubercules à sommet terminé par une spinule, tandis que celle de N. neocaledonica n. sp. est lisse sur toute sa partie dorsale et couverte, sur ses faces latérales, de petites dépressions en arrière du sillon cervical et d’épines en avant. De plus, la partie dorsale du céphalothorax, en avant du sillon cervical, présente, chez N. neocaledonica n. sp., une carène médiodorsale bifurquée dans sa partie postérieure et flanquée de part et d’autre de deux carènes longitudinales, toutes lisses, tandis que chez N. inopinata , il n’y a pas de carènes bien marquées mais seulement des alignements de tubercules spinuleux plus ou moins nets;

3) le rostre: chez N. inopinata , il est long, pointu et avec des bords serrulés, alors qu’il est triangulaire, peu pointu et avec des bords lisses chez N. neocaledonica n. sp. Sa longueur est 2,2 fois plus grande que sa largeur à sa base chez N. inopinata et 1,1 fois seulement chez N. neocaledonica n. sp.;

4) les premiers péréiopodes: chez N. neocaledonica n. sp. ils sont beaucoup plus courts que chez N. inopinata et ont des articles beaucoup plus massifs. Par ailleurs, la modification du dactyle en pseudo-pince formée avec la grosse épine distale du propode est beaucoup plus accentuée chez N. neocaledonica n. sp. que chez N. inopinata ;

5) la couleur générale de l’animal (voir également chapitre suivant): tandis que N. neocaledonica n. sp. présente une coloration rose-beige avec des petites taches rouge vif sur l’abdomen, la partie supérieure du céphalothorax et les premiers péréiopodes, la couleur est uniformément orangée sur le céphalothorax chez N. inopinata et finement ponctuée de taches oranges sur les articles abdominaux (Forest comm. pers.).

Bien d’autres différences pourraient être citées. C’est ainsi que les pédoncules antennulaires sont plus courts chez N. neocaledonica n. sp. que chez N. inopinata , que les yeux sont encore plus renflés, que le troisième article du pédoncule antennaire est également plus court et porte seulement cinq épines contre une dizaine chez N. inopinata .

COLORATION, COMPORTEMENT ET HABITAT DE N. NEOCALEDONICA N. SP.

Sur le vivant, l’animal présente une pigmentation en petites taches rouges régulièrement réparties. Toute la partie abdominale est ainsi tachetée. La partie supérieure du céphalothorax est aussi tachetée, mais d’un rouge plus léger; la bordure inférieure du céphalothorax est blanchâtre; les faces supérieures des mérus, carpe et propode des P1 sont finement tachetées de rouge; une large bande rouge vif s’observe sur la face interne du carpe, à la jointure avec le propode. Cette pigmentation présentée par un animal vivant à près de 400 m de profondeur, où la pénétration de la lumière est très atténuée, suggère qu’il ne vit pas dans un terrier. Les yeux très développés sont ceux d’un prédateur (comportement similaire à celui d’un stomatopode?). La cornée est beaucoup plus développée ventralement. Elle est même absente sur le dessus de l’oeil ( Fig. 2C View FIG ). Sur le vivant, le bord supérieur de la cornée a une coloration gris métallisé, tandis que la zone déprimée de la face dorsale de l’oeil est orangée ( Fig. 2D View FIG ).

Dans ses comptes rendus des campagnes aux Philippines, Forest (1981, 1986, 1989) insiste sur l’importance de la lumière qui régulerait la présence des spécimens de Neoglyphea inopinata sur les fonds, hors de leurs terriers, en fonction de l’heure de la journée ou de la saison. Aux Philippines, les eaux chargées en particules ne laissent pas la lumière pénétrer très profondément. Dans le cas de N. neocaledonia n. sp., les eaux océaniques très transparentes de la mer du Corail, dans une zone très éloignée de toute terres émergées, permettent une pénétration de la lumière jusqu’à près de 500 m de profondeur (expérience personnelle avec le submersible Cyana ; Grandperrin & Richer de Forges 1989). Ceci est confirmé par la présence jusqu’à 500 m d’une faune présentant une large diversité de couleurs ( Plesionika scopifera Chan, 2004 ). Les énormes yeux très particuliers de Neoglyphea sont certainement adaptés à une certaine vision des couleurs, même lorsque l’énergie lumineuse est très basse et les longueurs d’ondes limitées aux bleus verts.

Malgré sa récolte en profondeur, l’animal a pu être observé vivant. Il est très vif et agressif et utilise sa pseudo-pince pour attaquer, se redresse sur ses P1, le céphalothorax formant alors une cambrure avec l’abdomen.

Cet animal a été récolté au chalut à perche lors d’un trait effectué entre 357 et 536 m de profondeur sur la pente d’un mont sous-marin, le banc Capel. Ce mont sous-marin est d’un type guyot, à sommet plat, vers 300 m, balayé par de forts courants. Il ne présente que des fonds durs, sans particules fines, ni vase, ni sable. Ses pentes sont celles d’un ancien atoll, très raides et rocheuses, avec parfois des éboulis de graviers.

Les peuplements associés à la capture sont composés de spongiaires, en particulier du genre Phloedyction ( Oceanapia ), et de gorgones ( Chrysogorgia ). Les autres crustacés décapodes associés à ce peuplement sont Ibacus brucei ( Holthuis, 1977) , Randallia sp. et un Portunidae . On observe par ailleurs des mollusques gastéropodes Xenophora , Bolma , Ranellidae et Coralliophilidae , et des poissons, Hoplichthys citrinus , Chaunax pictus , Dibranchus sp. , Lepidotrigla sp. , Chlorophthalmus sp. , Lophiidae .

L’habitat de N. neocaledonica n. sp. apparaît donc très différent de celui de N. inopinata , qui vit dans un terrier sur des fonds vaseux par 200 m de profondeur.

BIOGÉOGRAPHIE ( FIG. 9 View FIG )

Lors de la redécouverte de la première espèce de Neoglyphea , N. inopinata , d’un groupe supposé éteint à l’Éocène, l’hypothèse suivante avait été émise. Le groupe des glyphéides aurait habité les zones littorales des terres bordant la Téthys, entre les blocs continentaux de Laurasia au nord et Gondwana au sud. Les représentants actuels se seraient maintenus grâce à une migration en zone bathyale supérieure dans le Pacifique ouest, avec la fermeture progressive de cette Téthys. Ce rôle refuge de la zone bathyale avait déjà été évoqué à plusieurs reprises pour expliquer l’abondance d’espèces archaïques chez les crinoïdes (Améziane-Cominardi et al. 1987), les éponges lithistides ( Lévi & Lévi 1988; Hooper & Lévi 1994) ou les brachiopodes ( Cohen et al. 1998).

Avec la découverte de la nouvelle espèce N. neocaledonica n. sp. en mer du Corail, par 25°S, très loin des îles Philippines, cette hypothèse pourrait être conservée, d’autant que de nombreux exemples de «fossiles vivants » à affi nités mésozoïques ont été décrits au cours de l’exploration de la faune de profondeur du Sud-Ouest Pacifique. Bien que la zone bathyale supérieure de la ZEE de Nouvelle- Calédonie ait été intensivement explorée et que l’archipel des Chesterfield ait été visité quatre fois, il aura fallu attendre 20 ans et plus de 500 opérations de prélévements benthiques dans cette zone pour découvrir cette espèce « rare ». En fait, comme c’est le cas pour beaucoup d’espèces, sa rareté tient essentiellement à l’inaccessibilité de son habitat.

Kingdom

Animalia

Phylum

Arthropoda

Class

Malacostraca

Order

Decapoda

Family

Glypheidae

Genus

Neoglyphea

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