Lissocephala sanu Burla, 1954

Rasplus, Jean-Yves, Harry, Myriam, Perrin, Hélène, Chassagnard, Marie-Thérèse & Lachaise, Daniel, 2003, Les Ficus (Moraceae) et l’entomofaune des figues (Hym. Agaonidae, Pteromalidae, Torymidae, Eurytomidae; Dipt. Drosophilidae; Col. Curculionidae) du mont Nimba en Guinée, Mémoires du Muséum national d'Histoire naturelle 190, pp. 107-182 : 158-161

publication ID

https://doi.org/ 10.5281/zenodo.10683835

persistent identifier

https://treatment.plazi.org/id/039ABD53-0765-FF9D-4096-A03AB62E928A

treatment provided by

Felipe

scientific name

Lissocephala sanu Burla, 1954
status

 

Lissocephala sanu Burla, 1954 View in CoL

Fig. 40

MATÉRIEL EXAMINÉ. — 6 ♁ 13 ♀, mont Nimba nord-nordouest, alt. 1000 m, Haute Vallée du Gba, sur figues sur arbre de Ficus elasticoides 25.iv.1993; 11 ♁ 31 ♀, idem mais alt. 500 m, savane à buttes, 1-7.v.1993, sur figues de F. glumosa ; 12 ♀, idem mais 27.iv.1993; 5 ♁ 3 ♀, idem mais alt. 725 m, Mifergui, 1.v.1993, capturée directement sur sycones de F. glumosa en phase mâle; 4 ♀, idem mais 28.iv.1993 sur figues de F. ovata ; 2 ♀, idem mais sur figues de F. sur ; 1 ♀, idem mais sur figues sur arbre de Ficus artocarpoides ; 13 ♁ ♀, idem mais alt. 625 m, 18.iv.1993, par fauchage sur figues au sol de Ficus lutea (Lachaise & Harry) (MNHN) .

DISTRIBUTION. — Côte d’Ivoire; Guinée (nouvelle localisation).

Les dix espèces de Lissocephala provenant du mont Nimba (y compris la nouvelle espèce décrite ici) ont été utilisées dans les études apportant la preuve moléculaire de l’homoplasie des syndromes adaptatifs. Cinq d’entre elles présentent le syndrome L ( L. ambigua , L. couturieri , L. melanosanu , L. nigroscutellata et L. sanu ), trois le syndrome M ( L. bergi , L. pulchra et L. subhorea n. sp.) et deux le syndrome S ( L. disjuncta et L. rasplusi ). Outre la découverte d’une espèce nouvelle, L. subhorea , sur F. lutea , cette prospection ‘‘figuiers’’ du mont Nimba a permis d’observer la présence de respectivement 7 et 6 espèces de Lissocephala (dont 4 communes) sur les sycones de deux espèces de Ficus , F. artocarpoides et F. glumosa , qui n’avaient jusque là fourni aucune Lissocephala sur la totalité de la région afrotropicale.

L’exploitation des sycones de F. ovata comme gîte larvaire de L. pulchra , déjà observée dans la forêt planitiaire de Taï, s’est trouvée confirmée sur le mont Nimba, l’une et l’autre forêts faisant partie d’un ensemble forestier plus ou moins continu. Cependant, le trait le plus remarquable de Lissocephala pulchra est son aptitude à générer des pullulations (larves et/ou adultes) sur une diversité de figuiers, un phénomène inhabituel dans un genre rassemblant des espèces aussi spécialisées. Ainsi, sur le mont Nimba un échantillon de sycones au sol de F. ovata (Collecte du 01.v.1993) a fourni par émergence un échantillon de 284 individus de L. pulchra . Dans la forêt de Taï, Lachaise (non publié) rapporte la capture de 516 imagos de L. pulchra sur sycones de F. sansibarica macrosperma en une heure de collecte (iii.1983), et du Cameroun, Gibernau (comm. pers.) nous a aimablement rapporté un échantillon de 247 imagos capturés sur F. exasperata , tous attribuables à L. pulchra . Ces pullulations ne sont pas sans rappeler celles de l’espèce orientale L. powelli sur les crabes rouges terrestres de l’île Christmas évoquées par Carson (1974). La sex-ratio n’est pas précisée dans l’échantillon du Nimba, mais celui de Taï a fourni 348 mâles sur 516 individus soit deux fois plus de mâles que de femelles, un biais de la sex-ratio rare dans les populations naturelles de drosophiles.

Par ailleurs, quelques observations écologiques originales ont été faites sur les Lissocephala du Nimba. Les Lissocephala exploitent les sycones de Ficus pour deux raisons différentes (quoique non exclusives), soit comme territoire d’accouplement, soit comme site de ponte. Il apparaît de plus en plus clairement que l’un ne doit pas être confondu avec l’autre. Le nombre d’espèces de Lissocephala capturées sur les sycones d’une espèce de Ficus donnée est généralement très supérieur au nombre d’espèces qui se reproduisent effectivement dans leur cavité florale (Tableaux 5, 6). De fait, si l’on ne tient compte que des gîtes larvaires attestés dans toute l’Afrique de l’Ouest (Nimba, Taï, Lamto), il apparaît que quatre espèces du Nimba n’ont jusqu’à présent été obtenues chacune par émergence que d’une seule espèce de Ficus -hôte et cinq des six espèces sympatriques restantes du Nimba de deux figuiers-hôtes seulement chacune. Notons que L. bergi , une espèce à très vaste distribution géographique, n’a jamais encore été obtenue par émergence d’aucun sycone en Afrique de l’Ouest. En dehors du bloc forestier guinéen, elle n’est connue pour se reproduire que dans les sycones de deux figuiers, F. sur et F. ingens , en Afrique du Sud ( Harry et al. 1997). La question reste donc ouverte de savoir si les espèces de Lissocephala qui pondent dans les ostioles de figues (syndrome S) exploitent un éventail de figuiers-hôtes plus restreint, autrement dit sont plus spécialisées encore, que celles qui pondent dans une partie ou l’autre des tunnels d’Agaonides (syndromes M et L). Pour ces dernières, l’hypothèse que nous formulons par ailleurs ( Harry et al. 1998) selon laquelle l’allongement du postabdomen des femelles de Lissocephala devrait accroître le nombre de figuiers-hôtes exploitables, ajoutant les sycones à paroi épaisse aux sycones à paroi mince, n’apparaît pas encore démontrée sur la base des seules émergences.

TABLEAU 5. Répartition des captures des 10 espèces de Lissocephala (Dipt., Drosophilidae ) sur 8 espèces de Ficus de la région du mont Nimba. La seconde ligne précise le groupe d’espèces (groupe sanu ou groupe juncta) auquel appartient l’espèce de Lissocephala . La troisième ligne indique le syndrome adaptatif L, M ou S (suite coordonnée de caractères morphologiques et comportementaux) propre à chaque espèce,tels qu’ils sont définis in Lachaise & McEvey (1990) et Harry et al. (1998). Les noms d’espèces de Lissocephala traduisent la présence d’individus adultes; lorsque la ponte et le développement larvaire ont pu être attestés sur le figuier en question dans la région du Nimba, le nom de la Lissocephala concernée apparaît en gras.

TABLE 5. Distribution of 10 Lissocephala species (Dipt., Drosophilidae ) on 8 species of Ficus in the mount Nimba region. The second line specifies the species group (either juncta or sanu groups) to which the species is assigned.The third line indicates the adaptive syndrome L, M or S (coordinated suite of morphological and behavioural traits) characterizing each species as defined in Lachaise & McEvey (1990) and Harry et al. (1998). The Lissocephala species name indicates the presence of the species as adults on figs; whenever oviposition and larval growth could be assessed on the relevant Ficus , the Lissocephala species name appears in bold.

Maintenant, si l’on tient compte de la diversité des Ficus dont les sycones ont fourni des captures de Lissocephala adultes, cette corrélation semble vérifiée, le nombre moyen de Ficus exploités pour l’Afrique de l’Ouest (Nimba, Taï, Lamto) passant de 2,5 chez les Lissocephala de type S, à 3,66 chez les espèces de type M puis à 4,8 chez celles de type L. Il semble que les exigences des Lissocephala en terme de ‘‘territoire d’accouplement’’ lié à un comportement de Lek (voir Shelly & Whittier 1997 pour la notion de Lek chez les insectes) soient moindres que leurs exigences en terme de site de ponte. Cependant, les espèces de Lissocephala du Nimba comme de l’ensemble de la région afrotropicale n’utilisent pas la surface de substrats sphériques autres que des figues, ce qui suggère un certain niveau de stimulation trophique préalable à la rencontre des sexes.

Une autre observation inédite concerne le comportement de L. sanu sur les sycones de F. ovata du Nimba. À la différence des figues de nombreuses espèces de Ficus , celles de F. ovata exhalent une odeur âcre à la fois puissante et très particulière au point que la présence de ce figuier en fin de maturation florale s’identifie souvent d’abord à l’odeur. Des femelles de L. sanu ont été observées sortant à la queue leu leu du tunnel d’Agaonide d’un même sycone de ces F. ovata en phase mâle terminale; après ouverture du sycone, d’autres femelles se trouvaient dans la cavité de celui-ci. Il s’agit là de la première observation d’adultes de Lissocephala pénétrant et sortant de la cavité de sycones. De toute évidence, il n’est pas question ici d’une émergence sinon l’espèce de Lissocephala concernée aurait dû pondre quelques semaines auparavant dans l’ostiole de la figue et les femelles concernées auraient dû avoir un postabdomen court. Or, cette espèce était bien L. sanu dont la femelle présente invariablement un comportement de ponte complexe, séquentiel, avec introduction réitérée d’un postabdomen très long et télescopique depuis l’extérieur du sycone et dépôt d’oeufs au fond du tunnel au niveau de l’inflorescence ( Lachaise 1977). Toutes les observations, sans exception, faites sur les Lissocephala concourent à montrer que ce sont les larves en fin de troisième stade qui quittent le sycone ou tombent avec lui sur le sol où elles s’empupent. Les femelles de L. sanu du Nimba pénètrent donc et ressortent de la cavité du sycone de F. ovata qu’elles ne semblent pas exploiter comme gîte larvaire, mais simplement comme ressource alimentaire. En effet, seule L. pulchra a été obtenue par émergence des sycones de F. ovata sur le Nimba. Là encore, la confusion ne doit pas être faite entre ressource-hôte pour les larves et ressource alimentaire pour les adultes. Les sites de repos nocturne de ces derniers différent également des sites

TABLEAU 6. Recensement des Ficus exploités par les dix espèces de Lissocephala du mont Nimba dans le bloc forestier guinéen à l’ouest de la trouée du Bénin en Afrique occidentale. Les espèces de Lissocephala de Taï et de Lamto non retrouvées sur le Nimba ne sont pas rapportées ici. Lorsque la ponte et le développement larvaire ont pu être attestés, le figuier-hôte est indiqué en gras, sinon les noms de Ficus traduisent la capture d’imagos de Lissocephala sur les sycones.

TABLE 6. Census of Ficus exploited by the 10 Lissocephala species recorded from mount Nimba in the rainforest block to the west of the Dahomey gap in western Africa. Lissocephala species of Taï and Lamto not found on Nimba are not reported here. Whenever Lissocephala oviposition and larval growth could be assessed on the relevant Ficus , the host fig name appears in bold; otherwise it indicates records of Lissocephala adults on syconia.

précédents. Ainsi, nous avons observé des groupes d’au moins six adultes Lissocephala au repos sur la face inférieure des feuille de F. ovata pendant la période nocturne.

La nouvelle espèce du Nimba, L. subhorea , n’a été obtenue que par émergence de sycones de F. lutea . Cette Lissocephala est étroitement apparentée, comme son nom l’indique, à L. horea , une autre espèce rare de la forêt de Taï au sud-ouest de la Côte d’Ivoire, où son seul gîte larvaire connu est F. saussureana ( Harry et al. 1997) . À cet égard, il est sans doute intéressant de souligner que les deux figuiers-hôtes de L. horea et L. subhorea appartiennent, d’un point de vue taxonomique, l’un et l’autre à la même sous-section Galoglychia . Or, les espèces affines de Lissocephala qui présentent toutes deux le syndrome adaptatif M, ¢ et pourraient être les représentants actuels les moins éloignés du rameau ancestral du clade des Lissocephala afrotropicaux (voir la section taxonomie de la description) ¢, ont peut-être en commun des caractéristiques biologiques en relation avec des particularités morphologiques ou chimiques des sycones de cette sous-section de Ficus .

LES ESPÈCES DE DROSOPHILA DU GROUPE FIMA DU NIMBA

Sur les 23 espèces connues dans le groupe Drosophila fima ( Lachaise & Chassagnard 2002) , dix espèces ont été retrouvées dans l’échantillon 1993 du Nimba. Des individus appartenant à deux autres espèces non identifiées sont aussi mentionnés. Dans les collectes 1973, 1974 et 1976, Lachaise (1989) rapportait la présence de sept de ces espèces sur le versant sud du Nimba en Côte d’Ivoire, ainsi que d’une huitième espèce, D. aloma Tsacas , que nous ne rapportons pas ici faute d’avoir pu réanalyser ce matériel.

Kingdom

Animalia

Phylum

Arthropoda

Class

Insecta

Order

Diptera

Family

Drosophilidae

Genus

Lissocephala

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